Il n’est pas rare qu’une personne souhaite privilégier l’un de ses héritiers, que ce soit pour des raisons affectives, patrimoniales ou personnelles. Toutefois, le droit des successions en Belgique encadre strictement cette possibilité afin de préserver l’équilibre entre les héritiers réservataires.
Avant de prendre une décision, il convient de comprendre les limites imposées par la loi, les mécanismes autorisés, ainsi que les conséquences juridiques d’un éventuel déséquilibre successoral.
Peut-on avantager un héritier sans léser les autres ?
Le droit successoral belge distingue deux composantes dans le patrimoine transmissible : la réserve héréditaire et la quotité disponible.
La réserve héréditaire constitue la part minimale du patrimoine qui revient obligatoirement à certains héritiers dits "réservataires" (notamment les enfants et, dans certains cas, le conjoint survivant). Il n’est donc pas possible d’exclure totalement un enfant d’une succession.
En revanche, la quotité disponible peut faire l’objet d’une attribution libre. C’est sur cette partie que le testateur peut agir pour favoriser un héritier, à condition de respecter certaines formes et d’éviter toute atteinte disproportionnée aux droits des autres.
Réserve héréditaire et quotité disponible : les limites légales à respecter
La réserve héréditaire est déterminée en fonction du nombre d’enfants. À titre d’exemple, en présence de deux enfants, chacun doit recevoir au moins un tiers du patrimoine ; le tiers restant constitue la quotité disponible.
Toute disposition (donation ou testament) qui dépasse cette quotité au profit d’un héritier déterminé peut être contestée par les autres héritiers par le biais d’une action en réduction.
Il est donc indispensable d’identifier précisément les parts réservataires et disponibles avant de prévoir toute répartition inégalitaire.
Les moyens juridiques pour favoriser un héritier
Plusieurs mécanismes permettent de privilégier un héritier sans enfreindre les règles successorales. Chacun doit être manié avec prudence et encadré juridiquement afin d’éviter un contentieux au moment du décès.
Le présent d’usage
Le présent d’usage désigne un cadeau offert à l’occasion d’un événement particulier (anniversaire, mariage, réussite). Il n’est pas considéré comme une donation s’il est proportionné au train de vie de celui qui le remet. En tant que tel, il n’est pas rapportable à la succession et ne fait pas l’objet d’une réduction. Toutefois, si la valeur du bien offert est jugée excessive, le caractère de donation pourrait être retenu.
La donation hors part successorale
Cette forme de donation permet d’accorder un avantage supplémentaire à un héritier, au-delà de sa part réservataire. Pour être effective, elle doit être expressément qualifiée comme telle dans l’acte. Dans le cas contraire, elle sera réputée faite en avancement d’hoirie et devra être rapportée à la masse successorale.
Il convient de veiller à ce que le montant de la donation ne dépasse pas la quotité disponible, sous peine de recours de la part des autres héritiers.
L’attribution d’un usufruit
Il est possible de consentir l’usufruit d’un bien (par exemple, un immeuble) à un héritier, ce qui lui permet d’en percevoir les revenus ou de l’occuper, sans en devenir propriétaire. L’usufruit peut être octroyé à vie ou pour une durée déterminée. Au décès du donateur, la nue-propriété rejoint l’actif successoral à répartir entre les héritiers.
Ce mécanisme, s’il est bien encadré, peut constituer une manière indirecte d’avantager un héritier sans affecter directement les quotes-parts.
Le testament et la répartition anticipée
Par testament, une personne peut attribuer la totalité de la quotité disponible à un seul héritier. Celui-ci bénéficiera alors de sa part réservataire, à laquelle s’ajoutera cette part supplémentaire.
Ce choix doit toutefois être explicite et formalisé selon les formes légales. Il est également possible de prévoir que l’un des enfants reçoive l’ensemble du patrimoine, sous réserve de verser une compensation financière (soulte) aux autres. Ce type de disposition nécessite une analyse approfondie pour éviter toute contestation ultérieure.
Que risque-t-on en cas de déséquilibre entre héritiers ?
Lorsqu’un héritier estime que ses droits ont été lésés par des donations ou des dispositions testamentaires excessives, il peut engager une action en réduction. Cette action vise à rétablir l’équilibre légal entre les parts et peut conduire à l’annulation partielle d’une donation ou à une réduction du legs.
Les situations de succession inégalitaire, même intentionnelles, peuvent donc donner lieu à des conflits familiaux ou à un contentieux judiciaire.
Il est recommandé de consulter un professionnel du droit des successions afin d’anticiper les conséquences d’une telle répartition.
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